Dans la course effrénée à la conquête spatiale, la France s’apprête à faire un bond de géant. Le Centre National d’Études Spatiales (CNES) développe actuellement un projet ambitieux qui pourrait bouleverser l’industrie spatiale européenne : FROG-H, une fusée réutilisable qui ambitionne de rivaliser avec les prouesses technologiques de SpaceX.
Une grenouille qui veut voler aussi haut que le Falcon
Le projet FROG (Rocket for Guidance, Navigation and Control) représente bien plus qu’une simple expérimentation technologique. C’est la réponse française à la révolution initiée par SpaceX dans le domaine des lanceurs réutilisables. Depuis le succès historique de l’atterrissage du premier étage du Falcon 9 en 2016, la donne a changé : la réutilisation des fusées n’est plus un rêve, mais une réalité économique incontournable.
Le CNES, souvent surnommé la « NASA française », ne pouvait rester spectateur de cette transformation. Créé en 1961 et placé sous la tutelle de trois ministères (Économie et Finances, Armées, Enseignement supérieur et Recherche), l’organisme est aujourd’hui l’un des principaux architectes de la politique spatiale européenne.
Une approche révolutionnaire du développement
Ce qui distingue véritablement le projet FROG, c’est sa méthodologie de développement novatrice. Là où les programmes spatiaux traditionnels suivent des processus linéaires et rigides, le CNES a choisi une approche « agile », plus proche de celle d’une startup que d’une agence spatiale traditionnelle.
Plusieurs équipes travaillent en parallèle, multipliant les expérimentations et les tests, dans une course à l’innovation où seules les meilleures solutions sont retenues. Cette méthode permet non seulement d’accélérer le développement, mais aussi d’explorer des pistes technologiques qui auraient pu être négligées dans un processus plus conventionnel.
De FROG-T à FROG-H : l’évolution d’une ambition
L’histoire de FROG commence en 2017 avec FROG-T, un premier prototype de 2,5 mètres de haut propulsé par un turboréacteur. Les tests initiaux, réalisés en 2019, ont permis des vols d’essai jusqu’à 30 mètres d’altitude, validant ainsi les systèmes de guidage et de navigation autonome.
Mais c’est avec FROG-H que le projet prend véritablement son envol. Cette nouvelle version, plus imposante avec ses 3,5 mètres de haut, intègre des innovations majeures, notamment un moteur-fusée motopropulseur développé en collaboration avec l’institut de l’aviation de Łukasiewicz en Pologne. Cette coopération européenne illustre parfaitement la dimension internationale du projet.
2025 : l’année du grand saut
Les premiers vols d’essai de FROG-H sont prévus pour 2025, une étape cruciale qui pourrait marquer un tournant dans l’histoire spatiale européenne. Avec un plafond de vol prévu à 400 mètres et une masse de 100 kg au décollage, FROG-H permettra de tester des conditions de vol plus proches des futures missions de fusées réutilisables.
Le projet bénéficie d’un écosystème riche de partenaires, incluant des universités (IUT de Cachan/Innovlab), des industriels (Polyvionics, DroneCenter) et des associations (Planètes Sciences). Cette collaboration multiple permet d’enrichir le projet de diverses expertises et approches.
Un tremplin vers l’avenir du spatial européen
Si FROG-H peut sembler modeste comparé aux géants de SpaceX, il représente néanmoins une étape cruciale dans la stratégie spatiale européenne. Au-delà des aspects purement techniques, ce projet démontre la capacité de l’Europe à innover et à repenser ses méthodes de développement.
En parallèle des programmes Themis et Callisto, FROG s’inscrit dans une vision plus large : celle d’une Europe spatiale autonome, capable de concurrencer les géants américains et chinois. La réussite de ce projet pourrait ouvrir la voie à une nouvelle génération de lanceurs européens réutilisables, plus économiques et plus écologiques.
La révolution spatiale initiée par SpaceX a montré qu’innovation et agilité étaient les clés du succès dans ce secteur en pleine mutation. Avec FROG, la France et l’Europe prouvent qu’elles ont compris la leçon et sont prêtes à relever le défi. 2025 marquera peut-être le début d’une nouvelle ère pour l’industrie spatiale européenne, portée par une grenouille aux ambitions stellaires.
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Plus d’informations : https://cnes.fr/projets/frog